Série : L’acte d’achat
Les situations d’achat
induisent le plus souvent un risque – en ce sens que les choix effectués par le
consommateur sont susceptibles d’engendrer des conséquences que celui-ci appréhende
et ne peut anticiper avec certitude. La notion de risque perçu a
été introduite en marketing en 1960 par R.A. Bauer pour contribuer à une
meilleure compréhension de la décision d’achat.
Risque perçu et
degré d’implication
Le choix de
consommation procède d’une délibération préalable plus ou moins étendue
selon le degré du risque perçu par l’individu. Il donne matière à la perception
d'une incertitude quant à ses prolongements négatifs potentiels. L’acheteur
perçoit par anticipation un écart entre son attente présente et l’apport
futur du produit acheté. Le risque perçu est d’autant plus élevé que les conséquences
de cet écart sont jugées importantes. En un mot, il désigne la
possibilité fâcheuse de subir des pertes après l’achat. « Les pertes
potentielles comprennent : les buts visés mais non atteints ; les pénalités
éventuelles infligées au consommateur par son environnement ; la perte des
moyens engagés dans l'achat, comme l'argent ou le temps ; enfin, tout autre
danger associé à l'achat ». (1)
Le risque peut être
ainsi de nature fonctionnelle (défaillance technique, performances
médiocres), économique (coût élevé de fonctionnement), physique
(manque de confort, menace pour la santé ou la sécurité) ou psycho-sociale
(souci de l'image du consommateur). (2)
Sous un autre angle
mais en liaison étroite avec la notion de risque, le degré
d'implication du sujet influe sur le processus de décision. « L'implication
est une notion qui recoupe partiellement le risque perçu. Elle indique dans
quelle mesure le consommateur se sent concerné par l'achat ». (3)
Cette notion intègre à la fois l'importance du
produit pour l’acheteur, le risque qu'il perçoit lors de l’achat, comme la
possibilité d'expression de soi que le produit lui offre. Elle « désigne
l'importance qu'attache l'individu à la décision qu'il doit prendre […]
: une décision est impliquante lorsque l'individu juge, à tort ou à raison,
qu'elle peut avoir pour lui des conséquences importantes, en bien ou en mal ».
(4) En somme, un achat à caractère impliquant est perçu comme risqué
et/ou présente un grand intérêt pour le consommateur.
Le degré
d'implication dépend, comme la perception du risque, de la
nature du produit. Il est généralement élevé pour les produits coûteux. Il
est également élevé, même pour des produits peu coûteux, lorsque l'achat a des
conséquences sur la santé, l'apparence physique, le statut social ou le
rendement… L'achat du lait pour le nouveau-né, d'un gâteau pour les invités, d'une
imprimante professionnelle est très impliquant.
Lorsque le sujet
est conscient qu'un mauvais choix peut lui causer un préjudice, il cherche à
réduire le risque avant la décision. Il est alors amené à recourir à diverses
sources d’information (famille, amis, vendeurs, publications…). Il pourrait
aussi obtenir l’approbation d’un proche, retarder l’achat, choisir une marque
moins chère ou celle offrant des garanties…
Cela donne lieu à des profils d’acquisition d’informations
différents : « certains individus engagent des efforts
cognitifs importants pour comparer des modèles ou des marques et utilisent
largement la comparaison directe ou la comparaison sur documents. Certains ne
recherchent que peu d’informations, alors que d’autres ont besoin
d’expérimenter ou de tester le produit et sollicitent des conseils ». (5)
Le degré d'implication
(tout comme la perception du risque) dépend aussi des motivations et du tempérament
de chacun. « Tel individu considérera le vêtement comme un élément
distinctif de sa personnalité, alors que tel autre l’assimilera à un objet
fonctionnel ». (6) Plus l’individu est impliqué, plus il
développe un niveau d’exigence pour l’achat d’un produit et plus il a besoin
d'information pour faire son choix. Il est ainsi disposé à consacrer le temps nécessaire
pour obtenir cette information.
L’expérience, notons-le, intervient
comme un facteur limitant la perception du risque. Le risque perçu est d’autant
moins élevé que l’expérience lié au produit est vaste.
Conséquences pour
le marketing
Le risque perçu
associé à l’acte d’achat soulève avant tout la question de l’information. L'entreprise
se doit d’identifier les sources auxquelles l’acheteur se réfère,
de connaître l’importance et les rôles respectifs de chacune d'elles. Dans le
cas par exemple de l’achat d'une voiture, l'information est-elle tirée de la
publicité, de publications spécialisées, du contact avec les vendeurs ?
Connaître la manière dont le sujet recherche l'information et la mémorise a des
implications majeures sur l'action commerciale – surtout lorsque
les habitudes d'utilisation des sources sont relativement stables.
Il importe également
d’appréhender les facteurs qui conduisent à une perception du
risque, de mesurer le degré d'implication du consommateur.
L'entreprise doit comprendre que c'est par le recueil de l'information que
l'acheteur essaie de réduire les risques. Elle est tenue, à cet effet, de fournir
les informations nécessaires, c’est-à-dire de donner au consommateur les moyens d’exercer ses choix en parfaite
connaissance de cause. De là l'élaboration d'une stratégie de
communication : quelle information mettre à la disposition de l'acheteur
pour développer sa confiance ? Comment s’y prendre ?
Il ne s’agit pas de
fournir un maximum d’informations : « pour que les consommateurs
puissent vraiment améliorer leurs décisions il faut non seulement que les
informations soient disponibles, il faut en plus qu’ils soient capables de les traiter
correctement ». (7) Certains messages ont plus de
chances d'être perçus et enregistrés que d'autres. L’individu capte, organise
et interprète l’information reçue de façon personnelle ; il peut parfois
mal l’interpréter ou même la déformer dans un sens conforme à sa propre vision.
Qui plus est, son attention est sélective, vu qu’il est exposé à
de nombreux signaux et sollicitations. Toute la difficulté est donc de concevoir
un stimulus capable de se démarquer des autres.
Le risque perçu par
l’acheteur, outre l’enjeu de l’information, est une problématique essentielle
pour la fonction commerciale. Le fait d’en tenir compte permet d’améliorer la
performance de l’entreprise par une meilleure adaptation de son mix,
qu’il s’agisse des attributs du produit, du prix de vente, du conditionnement, de
la communication ou du canal de distribution.
Les moyens mis en œuvre
doivent s’accorder avec la nature du risque, son intensité, sa probabilité et
la manière dont le sujet voudrait être rassuré. Je cours le risque d’acheter un
yaourt trop sucré, de choisir des piles contrefaites, de souscrire à une mauvaise
assurance vie : selon ces différents risques, il va de soi que la
manière de rassurer l’acheteur ne suivra pas la même démarche. « Pour
des risques sans gravité, mais très probables, il faut insister sur des niveaux
de garantie qui viennent prouver la qualité du service rendu, montrer la
force et l'efficacité de son service après-vente, mettre sur pied
des chartes de consommateur, ou encore établir des standards. Face à des
risques très graves et très probables, dans le cadre de matériels médicaux
sophistiqués par exemple, on peut proposer une hot line, une assistance
personnalisée ». (8)
Lorsque l'implication est faible, le consommateur se décide rapidement en
accordant peu d'importance aux produits et aux marques. Lors d’un achat
routinier, les habitudes et donc les phénomènes d'apprentissage sont décisifs. La
publicité dans ce cas joue un rôle de familiarisation ou de rappel à la mémoire,
plus que de persuasion. Elle doit être simple, répétitive. (9)
Thami BOUHMOUCH
Février 2015
___________________________________________
(1) Pierre Volle, Le concept de
risque perçu en psychologie du consommateur http://basepub.dauphine.fr/xmlui/bitstream/handle/123456789/1607/risquepercu_ram_1995.pdf?sequence=1
(2) Cf. S. Martin et J.-P. Védrine, Marketing
- Les concepts-clés, Les éd. d'organisation, p. 48 et E. Vernette, Marketing fondamental, éd. Eyrolles, pp. 47-48.
(3)
S.
Martin et J-P. Védrine, ibid, p. 49.
(4)
J.
Lendrevie et D. Lindon, Mercator, Dalloz, p. 87.
(5) R. Ladwein, Le comportement du
consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 227.
(6) R. Vairez, Mercatique, éd.
Techniplus, p. 41.
(7) (4) J.-P. Sallenave et A. d'Astous, Le
marketing de l'idée à l'action, éd. Simex (Québec), p. 114.
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