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20 avril 2016

LE MODELE DE PORTEFEUILLE DE BCG [2/3] : UNE MATRICE A QUATRE QUADRANTS


Série : Marketing stratégique 



Le cabinet BCG, nous l’avons vu, a imaginé une démarche d’évaluation des DAS, permettant de mettre en évidence les caractéristiques financières de chacun d’eux et sa contribution aux objectifs.

L’analyse proposée s’appuie sur une méthode matricielle. Sur une matrice à deux dimensions, 2 paramètres objectifs sont croisés : le taux de croissance du marché (du DAS) et la part de marché relative de l'entreprise (dans le DAS). Sur la base d’un tel croisement, on en vient à déterminer 4 quadrants, dans lesquels sont situés les domaines d’activité (voir pour rappel le diagramme).


L’approche permet de caractériser les domaines et de montrer leur importance stratégique relative dans le portefeuille de l'entreprise. Chacun d’eux est ainsi placé au point de la matrice qui lui correspond (en fonction des deux paramètres) et est symbolisé par un cercle dont le diamètre est proportionnel au CA réalisé. Dans un quadrant il peut y avoir un ou plusieurs DAS ou n’y avoir aucun.
Les activités, comme le montre le tableau suivant, sont classées en 4 catégories, selon le volume du cash flow qu’elles peuvent générer.


Les vedettes (ou stars) bénéficient d’une PMR élevée, i.e. d’une position concurrentielle forte, sur un marché porteur en phase de croissance rapide.
Leur rentabilité est croissante, mais elles génèrent relativement peu de profit (à CT), car elles doivent financer leur propre croissance. Vu que les investissements requis sont élevés, le cash flow est légèrement positif et même neutre. Disons que, dans l’ensemble, la situation financière (trésorerie nette) est équilibrée.
Ce sont des produits prometteurs – en termes de volume et de rentabilité – les locomotives de l'entreprise. Leur croissance cependant suscite la convoitise des concurrents et leur position peut être remise en question. Avec la saturation progressive du marché, elles deviendront à terme des vaches à lait.

Les vaches à lait bénéficient d’une position concurrentielle forte en détenant une PMR élevée (mais en stagnation). Sur un marché en phase de maturité (ou même de déclin), elles connaissent en revanche une faible croissance de la demande.
Elles assurent le profit immédiat et sont les domaines les plus rentables à CT alors que leurs besoins en financement sont faibles (car croissance peu élevée et efforts commerciaux moindres). Elles génèrent ainsi un cash flow positif élevé et stable. Le surplus de liquidités dégagé peut contribuer à financer les activités en mal d’investissement.

Les dilemmes (ou points d’interrogation) se caractérisent par une forte croissance de la demande mais détiennent une PM peu élevée. Donc le marché est porteur mais la position concurrentielle est faible. Il peut s’agir de produits en phase de lancement, dont le succès n’est pas assuré. 
Appelés « enfants à problèmes », ils dégagent peu de profits, alors qu’ils requièrent des liquidités importantes pour financer leur progression ou au moins leur maintien. D’où un cash flow négatif élevé (instable) qui tend à réduire leur compétitivité. En raison de leur PM faible, leur avenir est incertain. Au fil du temps, ils deviendront des poids morts.

Les poids morts se caractérisent par une faible croissance de la demande et une faible PM. Donc, sur un marché en déclin, l'entreprise a une position concurrentielle faible.
La rentabilité est peu élevée et instable. Ces domaines sont autofinancés, mais le cash flow est faible ou parfois neutre (s’il n’est pas négatif). Appelés « gouffres financiers », ils coûtent cher à l'entreprise – bien que les dépenses soient faibles.

Le modèle de BCG, à y regarder de près, connaît quelques limites :
Il s’applique surtout aux industries de volume, intensifs en capitaux, où la rentabilité est étroitement liée à la PM réalisée. A cet égard, l’hypothèse selon laquelle la compétitivité d’une entreprise sur un marché dépend exclusivement de sa PMR est loin d’être toujours vérifiée. Une PMR élevée ne mène pas nécessairement à la rentabilité. A l’inverse, une activité avec une PM faible peut être profitable (du fait d’une avance technologique, d’une excellente gestion, etc.).
La démarche est a priori très rigoureuse vu sa nature quantitative, mais elle prend parfois des allures mécaniques – d’ailleurs accentuées par les programmes informatiques conçus à cet effet et sur lesquels elle s’appuie.
Il est enfin reproché au modèle de perdre de vue les effets de synergie entre les activités, de négliger les petits concurrents qui ont des PM à croissance rapide.

Prochain article 3/3 : Les stratégies envisageables.

Thami BOUHMOUCH
Avril 2016



18 avril 2016

LE MODELE DE PORTEFEUILLE DE BCG [1/3] : UNE MATRICE A DEUX DIMENSIONS


Série : Marketing stratégique 

« Plus un modèle est exhaustif plus il est difficilement applicable et inversement »
  J. C. Croutsche



Les grandes entreprises gèrent un portefeuille de domaines d’activité stratégiques (DAS) dont la configuration est arrêtée au plus haut niveau. C’est l’élément de base de la planification. (1) Le manager qui agit sur plusieurs marchés se doit d’avoir une vision synthétique de ses diverses activités. Celles-ci ont besoin d'être périodiquement recensées, analysées, évaluées, pour savoir lesquelles renforcer, maintenir ou abandonner. Bien comprendre l'existant permet de procéder à des arbitrages en termes d'allocation de ressources.
A cet égard, plusieurs outils d’analyse stratégique ont été développés. En plus de l’analyse LCAG/SWOT (en termes de forces et faiblesses), (2) retenons parmi les plus connus : le modèle McKinsey (ou General Electric), la méthode ADL (Arthur Doo Little), la matrice de portefeuille de BCG, la matrice d’Ansoff.
Le modèle de BCG – objet de ce papier – est le plus populaire en raison de sa simplicité conceptuelle. Quels en sont le principe et l’enjeu ?


Le modèle de BCG – proposé par le cabinet américain Boston Consulting Group dans les années 70 – est une approche dynamique de la gestion du portefeuille de DAS destinée à aider les décideurs à évaluer leurs activités et effectuer les choix stratégiques appropriés.
Il permet d’éviter une méprise assez fréquente : l’approche consistant à fixer des objectifs de croissance et de profit génériques. Dans un tel scénario, les activités détenant une forte part de marché (PM) atteindront facilement leur objectif de rentabilité, alors que les activités à faible croissance de la demande livreront une bataille désespérée. Qui plus est, les produits dont les besoins en financement (investissements requis) sont élevés risquent de ne pas recevoir les fonds nécessaires à leur croissance.
Le cabinet BCG a imaginé une manière d’évaluer les DAS, de façon à faire ressortir les caractéristiques financières de chacun d’eux et sa contribution aux objectifs. L’analyse quantitative proposée, s’appuyant sur une méthode matricielle, met à plat l’allocation de ressources au sein du portefeuille d’activités (cf. diagramme ci-dessous). Mais il s’agit moins d’une analyse financière classique que d’une analyse de marché. L’approche assure en quelque sorte l’interface entre le marketing et la finance.

Au départ, le raisonnement repose sur un  constat : afin de ne pas perdre du terrain, l’organisation doit croitre au moins au rythme de la demande sur le marché ; plus vite, si elle désire augmenter sa PM…  Un objectif de croissance doit alors être formulé en termes absolus et en termes relatifs – croissance par rapport à la demande et par rapport aux principaux concurrents.
Sur une matrice à deux dimensions, on croise donc deux critères objectifs : le taux de croissance du marché (du DAS) et la part de marché relative de l'entreprise (dans le DAS). Cela permet de situer chacun des domaines et d’évaluer son intérêt relatif sur la base de ces deux paramètres.

1. Taux de croissance du marché
L’attractivité du marché de référence est mesurée, à partir des données statistiques disponibles, par le taux de croissance de la demande correspondant au secteur d’activité dans lequel l’entreprise est présente avec ses différents produits. Elle permet de distinguer un marché mature d’un marché en développement.
2. Part de marché relative de l'entreprise
La position concurrentielle de l'entreprise – sur le secteur d’activité considéré – est mesurée par la part de marché relative. La PMR détenue par l'entreprise est égale au rapport entre sa PM et celle de son concurrent principal. La différence apparaît ainsi entre un produit leader, un produit challenger et les autres.
Le milieu de l’axe des ordonnées peut être la moyenne pondérée des taux relatifs de l’ensemble des activités considérées. D’ordinaire, toutefois, on retient le taux de 10 %. Le milieu de l’axe des abscisses est fixé à 1 – chiffre que seul le leader peut dépasser. D’où : PMR > 1 dans le cas du leader ; PMR < 1 dans le cas de ses rivaux. Plus le leader distance ses concurrents, plus sa position sur le marché est forte.

Quant est-il du cash flow ?
Les performances ne se résument pas aux résultats comptables (exprimés notamment dans le bilan). Imaginons que les entreprises X et Y affichent le même niveau de bénéfice comptable ; l’une doit renouveler ses équipements tous les 3 ans, l’autre tous les 5 ans. Présentent-elles le même profil ? Non, la première est plus consommatrice de liquidités.
Il importe en conséquence de considérer les entrées et sorties d’argent, tenir compte des liquidités, i. e. du cash flow. Ce sont les capacités d’autofinancement issues des bénéfices nets. Le cash flow ou flux de trésorerie sert à financer les investissements en constituant une réserve de sécurité ; il sert aussi à verser des dividendes aux actionnaires (pour séduire les investisseurs). Grâce au cash flow, l'entreprise garde la mainmise sur son avenir.
Comme la matrice le montre graphiquement, on observe une triple relation entre la croissance de la demande, la part de marché et les flux financiers. Il faut réaliser un profit pour financer les investissements requis par la croissance (ou rembourser les emprunts contractés à cet effet). Les besoins financiers dus aux investissements nécessaires augmentent avec la demande.
La rentabilité des capitaux investis et le volume du cash flow (les revenus) s’accroissent avec la PM. Il y a alors une corrélation positive entre la PM et la rentabilité : le gain de PM s’accompagne d’une augmentation du volume de production et de meilleures marges, car les coûts unitaires baissent.

Prochain article 2/3 : Une matrice à quatre quadrants.

Thami BOUHMOUCH
Avril 2016
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(1) Cf. article antérieur : Gérer le portefeuille d’activités stratégiques http://bouhmouch.blogspot.com/2016/03/gerer-le-portefeuille-dactivites.html
(2) Cf. article antérieur : Le modèle LCAG/SWOT : une analyse en deux volets http://bouhmouch.blogspot.com/2015/06/le-modele-lcagswot-une-analyse-en-deux.html