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20 février 2015

PERCEPTION DU RISQUE LORS DE L'ACHAT


Série : L’acte d’achat


Les situations d’achat induisent le plus souvent un risque – en ce sens que les choix effectués par le consommateur sont susceptibles d’engendrer des conséquences que celui-ci appréhende et ne peut anticiper avec certitude. La notion de risque perçu a été introduite en marketing en 1960 par R.A. Bauer pour contribuer à une meilleure compréhension de la décision d’achat.  

Risque perçu et degré d’implication
Le choix de consommation procède d’une délibération préalable plus ou moins étendue selon le degré du risque perçu par l’individu. Il donne matière à la perception d'une incertitude quant à ses prolongements négatifs potentiels. L’acheteur perçoit par anticipation un écart entre son attente présente et l’apport futur du produit acheté. Le risque perçu est d’autant plus élevé que les conséquences de cet écart sont jugées importantes. En un mot, il désigne la possibilité fâcheuse de subir des pertes après l’achat. « Les pertes potentielles comprennent : les buts visés mais non atteints ; les pénalités éventuelles infligées au consommateur par son environnement ; la perte des moyens engagés dans l'achat, comme l'argent ou le temps ; enfin, tout autre danger associé à l'achat ». (1)   
Le risque peut être ainsi de nature fonctionnelle (défaillance technique, performances médiocres), économique (coût élevé de fonctionnement), physique (manque de confort, menace pour la santé ou la sécurité) ou psycho-sociale (souci de l'image du consommateur). (2)  
Sous un autre angle mais en liaison étroite avec la notion de risque, le degré d'implication du sujet influe sur le processus de décision. « L'implication est une notion qui recoupe partiellement le risque perçu. Elle indique dans quelle mesure le consommateur se sent concerné par l'achat ». (3) Cette notion intègre à la fois l'importance du produit pour l’acheteur, le risque qu'il perçoit lors de l’achat, comme la possibilité d'expression de soi que le produit lui offre. Elle « désigne l'importance qu'attache l'individu à la décision qu'il doit prendre […] : une décision est impliquante lorsque l'individu juge, à tort ou à raison, qu'elle peut avoir pour lui des conséquences importantes, en bien ou en mal ». (4) En somme, un achat à caractère impliquant est perçu comme risqué et/ou présente un grand intérêt pour le consommateur.
Le degré d'implication dépend, comme la perception du risque, de la nature du produit. Il est généralement élevé pour les produits coûteux. Il est également élevé, même pour des produits peu coûteux, lorsque l'achat a des conséquences sur la santé, l'apparence physique, le statut social ou le rendement… L'achat du lait pour le nouveau-né, d'un gâteau pour les invités, d'une imprimante professionnelle est très impliquant.
Lorsque le sujet est conscient qu'un mauvais choix peut lui causer un préjudice, il cherche à réduire le risque avant la décision. Il est alors amené à recourir à diverses sources d’information (famille, amis, vendeurs, publications…). Il pourrait aussi obtenir l’approbation d’un proche, retarder l’achat, choisir une marque moins chère ou celle offrant des garanties…  Cela donne lieu à des profils d’acquisition d’informations différents : « certains individus engagent des efforts cognitifs importants pour comparer des modèles ou des marques et utilisent largement la comparaison directe ou la comparaison sur documents. Certains ne recherchent que peu d’informations, alors que d’autres ont besoin d’expérimenter ou de tester le produit et sollicitent des conseils ». (5)
Le degré d'implication (tout comme la perception du risque) dépend aussi des motivations et du tempérament de chacun. « Tel individu considérera le vêtement comme un élément distinctif de sa personnalité, alors que tel autre l’assimilera à un objet fonctionnel ». (6) Plus l’individu est impliqué, plus il développe un niveau d’exigence pour l’achat d’un produit et plus il a besoin d'information pour faire son choix. Il est ainsi disposé à consacrer le temps nécessaire pour obtenir cette information.
L’expérience, notons-le, intervient comme un facteur limitant la perception du risque. Le risque perçu est d’autant moins élevé que l’expérience lié au produit est vaste.

Conséquences pour le marketing
Le risque perçu associé à l’acte d’achat soulève avant tout la question de l’information. L'entreprise se doit d’identifier les sources auxquelles l’acheteur se réfère, de connaître l’importance et les rôles respectifs de chacune d'elles. Dans le cas par exemple de l’achat d'une voiture, l'information est-elle tirée de la publicité, de publications spécialisées, du contact avec les vendeurs ? Connaître la manière dont le sujet recherche l'information et la mémorise a des implications majeures sur l'action commerciale – surtout lorsque les habitudes d'utilisation des sources sont relativement stables.
Il importe également d’appréhender les facteurs qui conduisent à une perception du risque, de mesurer le degré d'implication du consommateur. L'entreprise doit comprendre que c'est par le recueil de l'information que l'acheteur essaie de réduire les risques. Elle est tenue, à cet effet, de fournir les informations nécessaires, c’est-à-dire de donner au consommateur les moyens d’exercer ses choix en parfaite connaissance de cause. De là l'élaboration d'une stratégie de communication : quelle information mettre à la disposition de l'acheteur pour développer sa confiance ? Comment s’y prendre ?
Il ne s’agit pas de fournir un maximum d’informations : « pour que les consommateurs puissent vraiment améliorer leurs décisions il faut non seulement que les informations soient disponibles, il faut en plus qu’ils soient capables de les traiter correctement ». (7) Certains messages ont plus de chances d'être perçus et enregistrés que d'autres. L’individu capte, organise et interprète l’information reçue de façon personnelle ; il peut parfois mal l’interpréter ou même la déformer dans un sens conforme à sa propre vision. Qui plus est, son attention est sélective, vu qu’il est exposé à de nombreux signaux et sollicitations. Toute la difficulté est donc de concevoir un stimulus capable de se démarquer des autres.
Le risque perçu par l’acheteur, outre l’enjeu de l’information, est une problématique essentielle pour la fonction commerciale. Le fait d’en tenir compte permet d’améliorer la performance de l’entreprise par une meilleure adaptation de son mix, qu’il s’agisse des attributs du produit, du prix de vente, du conditionnement, de la communication ou du canal de distribution.
Les moyens mis en œuvre doivent s’accorder avec la nature du risque, son intensité, sa probabilité et la manière dont le sujet voudrait être rassuré. Je cours le risque d’acheter un yaourt trop sucré, de choisir des piles contrefaites, de souscrire à une mauvaise assurance vie : selon ces différents risques, il va de soi que la manière de rassurer l’acheteur ne suivra pas la même démarche. « Pour des risques sans gravité, mais très probables, il faut insister sur des niveaux de garantie qui viennent prouver la qualité du service rendu, montrer la force et l'efficacité de son service après-vente, mettre sur pied des chartes de consommateur, ou encore établir des standards. Face à des risques très graves et très probables, dans le cadre de matériels médicaux sophistiqués par exemple, on peut proposer une hot line, une assistance personnalisée ». (8)
Lorsque l'implication est faible, le consommateur se décide rapidement en accordant peu d'importance aux produits et aux marques. Lors d’un achat routinier, les habitudes et donc les phénomènes d'apprentissage sont décisifs. La publicité dans ce cas joue un rôle de familiarisation ou de rappel à la mémoire, plus que de persuasion. Elle doit être simple, répétitive. (9) 

Thami BOUHMOUCH
Février 2015
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(1) Pierre Volle, Le concept de risque perçu en psychologie du consommateur http://basepub.dauphine.fr/xmlui/bitstream/handle/123456789/1607/risquepercu_ram_1995.pdf?sequence=1
(2) Cf. S. Martin et J.-P. Védrine, Marketing - Les concepts-clés, Les éd. d'organisation, p. 48 et E. Vernette, Marketing fondamental, éd. Eyrolles, pp. 47-48.
(3) S. Martin et J-P. Védrine, ibid, p. 49.
(4) J. Lendrevie et D. Lindon, Mercator, Dalloz, p. 87.
(5) R. Ladwein, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 227.
(6) R. Vairez, Mercatique, éd. Techniplus, p. 41.
(7) (4) J.-P. Sallenave et A. d'Astous, Le marketing de l'idée à l'action, éd. Simex (Québec), p. 114.

10 février 2015

MODELE EKB : EN REPONSE A UN BESOIN, L’ACHETEUR S’INFORME D’ABORD


Série : L’acte d’achat


Dans le papier précédent, nous avons abordé le modèle EKB du processus d’achat. (1) Ce processus logico-rationnel s'enclenche lorsque le consommateur identifie un besoin (ou problème) et cherche ensuite à s’informer sur le produit visé. Ce sont les deux premières étapes qui sont examinées ici (voir figure plus bas).


Déclenchement : un problème est identifié
Au début du processus, l’individu prend conscience – par un cheminement interne – qu'il lui manque « quelque chose ». Il ressent la tension engendrée par un besoin non satisfait ; il perçoit un écart entre son état actuel (ce dont il dispose) et l’état souhaité (ce qu'il veut se procurer). L'état souhaité est marqué par son tempérament, son style de vie et ses valeurs.
Diverses situations peuvent susciter le déclenchement du besoin : épuisement, usure ou panne du produit utilisé, influence sociale, évolution de la mode, modification du statut familial (mariage, naissance), déménagement, augmentation du revenu…
Un besoin peut se manifester en réponse à des stimuli internes (prise de conscience d'un manque) ; il peut exister à l'état latent et être révélé ou déclenché par divers stimuli externes : message publicitaire, opération de promotion, bouche-à-oreille, exposition au produit (présentation en vitrine ou sur un rayon de magasin)… Le problème résulte ainsi de facteurs individuels et situationnels. Il y a problème si le besoin est ressenti et identifié ; c'est une affaire de perception.
Les problèmes sont plus ou moins urgents ; ils sont plus ou moins complexes en fonction du nombre d'aspects à considérer et de la gravité des conséquences associées à la décision. Ils provoquent des niveaux d'implication différents, selon le contexte (invitation, cadeau), la personnalité du sujet et l'intérêt porté au produit.
Quelles en sont les conséquences en marketing ? Comment appréhender les problèmes ressentis par les consommateurs afin d'y déceler d’éventuelles opportunités ? 
Les études de marché, à cet effet, auront pour objet de déterminer les circonstances qui déclenchent généralement la prise de conscience du problème par le sujet, de découvrir la nature des stimuli capables de susciter l'intérêt pour un produit donné. Des idées peuvent ainsi naître et se concrétiser sur le plan commercial. Comme les problèmes sont souvent latents, ils doivent être activés – par la publicité, les essais gratuits, les démonstrations en magasin, etc. Par exemple, le désir de consommer sans attendre peut générer des opportunités : fast food, développement rapide de photos, four aux micro-ondes, guichet bancaire automatique, etc.  

Recherche d’informations
Un besoin identifié implique la recherche de solutions pour le satisfaire. L’acheteur potentiel tend normalement à s'informer afin d'effectuer le bon choix. L'information recueillie sur les produits offerts précède le choix, réduit l'incertitude, permet de prendre une décision éclairée (achat ou non-achat). (2)
La sensibilité en matière d'information dépend des prédispositions de l'individu vis-à-vis de la marque concernée mais aussi du degré de clarté du stimulus. Pendant longtemps, les opérateurs de téléphonie Maroc telecom et Méditel ont axé leurs actions de promotion sur des données incomplètes et contradictoires. Les messages publicitaires, les prospectus et surtout les vendeurs étaient flous, mélangeaient prix hors taxe et prix TTC… Le client se trompait souvent sur le prix à payer et les avantages promis.
Aujourd'hui, sur le marché de la puériculture, les femmes instruites sont bien informées et perspicaces. Au cours de la première grossesse, elles lisent des revues ou mêmes des livres et visitent plusieurs magasins. Après la naissance, elles ont déjà fait leurs choix et achètent les articles désirés sans se laisser influencer.
S’agissant du crédit à la consommation, le souscripteur veut savoir ce que l’emprunt coûterait. Les publicités, loin de fournir une information préalable fiable, s'avèrent un véritable sac d'embrouilles : certaines mentionnent seulement le taux, en omettant le sigle HT ; d’autres indiquent la mensualité à régler sans préciser la durée, ni l'apport initial, ni la prime d'assurance (secteur de l'automobile). Cela induit en erreur le client potentiel qui ne peut comprendre les conditions réelles du crédit. En l'absence d'une contrainte réglementaire, les quiproquos sont inévitables. Dans le cas de la LOA (Location avec Option d'Achat), les acheteurs savent-ils qu'on ne devient propriétaire du véhicule qu'au terme du contrat, qu’ils ne peuvent quitter le territoire sans autorisation du crédit-bailleur ? Les organismes de financement, lorsqu'ils proposent des simulations pour convaincre les clients potentiels, ne les renseignent pas de manière exhaustive. Comment alors parler de choix éclairé ?
Ce que le consommateur comprend et retient des renseignements transmis influe directement sur sa décision d'achat. Il s'agit alors de savoir comment il reçoit l'information sur un produit (générique) ou une marque ; comment il l'interprète ; comment il l'utilise pour décider.


Processus d'acquisition
Soit l’information est reçue passivement, soit elle est recherchée activement.
- L'information est reçue.
L’individu est exposé à des bribes d'informations concernant tel article ou telle marque. Chaque information correspond à un stimulus qui vise à le faire réagir. L'exposition résulte d'un média, du bouche-à-oreille ou de la confrontation physique à un produit. Par exemple, le sujet lit attentivement un message publicitaire sur les PC ; il trouve un prospectus dans sa boîte aux lettres au sujet de l'ouverture d'un restaurant dans le voisinage ; il prête attention à l’opinion d’un leader d’opinion ; son voisin lui parle de la marque de lave-linge qu'il vient d'acheter ; il s’arrête devant la vitrine d'un magasin de vêtements…
- L'information est recherchée, résulte d'une démarche personnelle.
Selon l’importance de l’achat, la démarche de recherche d’informations peut s’apparenter à celle qui est effectuée lors d’une étude de marché : interne et externe. L'acheteur utilise d'abord les informations emmagasinées dans sa mémoire. Il fait appel à son expérience, à ses connaissances propres (utilisation passée du produit, information reçue). L'apprentissage apporte des renseignements précis. La recherche interne suffit largement dans les situations ordinaires de consommation (détergent, limonade, ampoule…). L'individu en sait assez pour prendre une décision rapide et opter pour l’article qu'il juge le plus approprié. Son problème est résolu de façon « automatique », n'engendre aucune recherche particulière. Ce cas correspond au réachat d’une marque connue.

En revanche, lorsque l’information interne est absente ou s'avère insuffisante (le phénomène de l'apprentissage ne peut jouer) et si l'effort semble en valoir la peine, l’acheteur est conduit à mener une recherche poussée sur les possibilités du marché. En cas d'achat réfléchi, le besoin d'information est intense ; l’acheteur est ouvert à différents stimuli, recourt à diverses sources externes : famille, groupe de référence, vendeurs, prescripteurs, sites web, brochures commerciales…
Il est banal de regrouper les sources  d’information en quatre catégories selon le canal utilisé (personnel ou impersonnel) et le degré de contrôle exercé par l'entreprise (sources commerciales ou non commerciales). On distingue ainsi la publicité (source commerciale non personnelle) de la relation de vente (source commerciale personnelle), le bouche-à-oreille (source personnelle non commerciale) des conseils d'achat publiés dans un magazine (source non personnelle non commerciale). (3)

Enfin, la recherche est plus ou moins poussée selon le cas… En situation d’urgence (panne, veille d'un voyage), le consommateur utilise peu de renseignements et opte pour une marque connue. A l’inverse, l’enjeu financier l’amène à rechercher plus longtemps l'information et par conséquent à retarder les achats importants. La durée de recherche peut ainsi s'étaler de quelques minutes à plusieurs semaines ou mois en fonction du tempérament de l’individu, de la nature du bien et de l'intensité du risque perçu… C’est le point qui sera traité dans le prochain papier.

Thami BOUHMOUCH
Février 2015
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(1) Cf. article précédent : Comprendre le comportement d’achat : une source de valeur  http://bouhmouch.blogspot.com/2014/05/comprendre-le-comportement-dachat-une.html
(2) Lire aussi : Affichage des prix : pourquoi, comment ? http://bouhmouch.blogspot.com/2011/10/affichage-des-prix-pourquoi-comment.html
(3) Cf. B. Dubois, M. Vanhuele, Comportement du consommateur, http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/