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4 juillet 2014

PRESSIONS COMPORTEMENTALES : LE POIDS DU GROUPE DE REFERENCE


Série : Compréhension du consommateur


Les humains sont des êtres sociaux et en tant que tels aspirent à faire partie de groupes, à les imiter, à obtenir leur approbation. Leurs comportements sont plus ou moins déterminés – même en l'absence de contacts directs les uns avec les autres. L'acte d'achat est indubitablement influencé par les relations interpersonnelles.

La fonction normative du groupe
Le groupe de référence est un ensemble de personnes exerçant – à un moment donné – une influence positive ou négative, directe ou indirecte sur les valeurs, les attitudes et le comportement d'un individu. Il influe sur son mode de vie et l'image qu'il se fait de lui-même. Ce sont les personnes auxquelles le consommateur se réfère pour former ses opinions/jugements ou guider son action.
Les consommateurs se déterminent dans leurs achats en fonction de leur entourage. Ils désirent acheter certains produits simplement parce que d'autres les achètent. Un étudiant, baignant dans un milieu estudiantin, porte souvent un veston et un blue-jeans. Plus tard, dans sa vie professionnelle, il portera un costume et une cravate conformément au code qui prédomine dans l'univers des cadres d'entreprise. Il sera amené à acquérir le standing social de sa nouvelle position. Même les enfants de dix ans sont influencés par les camarades de l'école.
Le groupe de référence influe sur l’acte d’achat à la fois en tant que source de connaissances (influence informative) et en tant que modèle (influence comparative). Pour être accepté dans le groupe ou pouvoir s'y identifier, l'individu doit se conformer à des règles de conduite déterminées. L’influence peut porter sur l’utilisation d'un produit, le choix d'une marque ou d’un modèle, la fréquentation d'un point de vente, etc. Ainsi, l'achat d'un bien revêt, en plus de l'intention de satisfaire un besoin auquel il est « objectivement » destiné, la volonté d'affirmer une identité similaire à une référence donnée. C’est ce qui explique l’uniformisation vestimentaire grimpante que nous observons aujourd’hui auprès des jeunes de 15 à 24 ans.


Typologie des groupes
On distingue 2 catégories de groupes : 
1 - Les groupes de pairs, dont l'individu fait partie consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement.
On peut les diviser en deux types : d’une part, les groupes primaires, tels les amis, les camarades d'école, les collègues de travail, les voisins ; d’autre part, les groupes secondaires, tels les membres d'associations, de partis politiques, de clubs.
« L’intensité des interactions au sein des groupes primaires et secondaires leur donne incontestablement un rôle privilégié. Ces groupes sont en effet à la base de la vie sociale de l’individu ». (1) Tel individu voudra un jour s’acheter un micro-ordinateur pour un usage domestique ; ses collègues de bureau vont sans soute le conseiller et l'orienter dans son choix. Dans un quartier de Philadelphie aux Etats-Unis, une étude sur la diffusion des climatiseurs a montré que les achats étaient concentrés dans certains blocs d'habitation. Cela est dû au fait que « le groupe des voisins de celui qui faisait le premier l'acquisition se trouvait amené à l'imiter ». (2)
2 - Les groupes auxquels l'individu n'appartient pas, mais auxquels il souhaiterait ou détesterait appartenir, pour lesquels il éprouve de l'attirance/admiration ou de la répulsion. Ces groupes peuvent déterminer positivement ou négativement son comportement.
De là, on distingue :
-- Les groupes d'aspiration, dont les attitudes et normes de conduite sont approuvées et imitées. Il en est ainsi des champions sportifs, des vedettes de cinéma, parfois curieusement d’une communauté étrangère particulière (observée ou idéalisée). On sait qu’au Maroc, de nombreuses familles se mettent par simple mimétisme à acheter pour leurs enfants des figurines de « père Noël » en plastique. Dans bien des cas, la publicité (spots, affiches ou prospectus) montre un Européen (ou un blond), c’est-à-dire un personnage typique appartenant au groupe sur lequel la cible calque machinalement ses jugements.  
Des blondes aux yeux bleus ont été ainsi mises en avant dans le spot de l’huile Huilor, dans le message du shampooing Nivéa, sur l'affiche de la cité balnéaire Bouznika Bay, celle de Palmeraie Golf Palace de Marrakech et celle des centres de thalassothérapie à Casablanca. Il en est également de la grand-mère typiquement européenne des climatiseurs Singer, des étudiants européens sur les affiches des écoles privées de gestion, de la petite fille blonde dans l'annonce d’Arthur Martin Electrolux, etc.
-- A l’opposé, il y a les groupes de rejet, dont l’individu souhaite s’écarter, avec lesquels il marque son désaccord ou ne ressent aucune affinité : les « vieux », les « voyous », un groupe ethnique ou communauté étrangère auxquels on ne veut pas être associé. Telle personne snob évitera les manières et le langage des gens « populaires », se sentira mal à l'aise dans les cafés et les magasins fréquentés par eux. Par le passé, la marque japonaise Honda voulait pénétrer le marché américain de motocyclettes. Elle s'était heurtée à la perception négative de la moto – associée aux loubards et délinquants. En Europe, où le racisme s’est banalisé, il ne sera pas question de recourir à des personnages typiquement maghrébins  dans un spot publicitaire.

Degré d'influence
Notons que l'influence du groupe de référence est, avant tout, plus ou moins prononcée (diffusion rapide) selon la proximité avec l'individu, selon qu'il existe ou non une interaction directe entre les membres. Nous sommes évidemment beaucoup plus proches des groupes primaires que des groupes secondaires et nous sommes d’ordinaire plus influencés par les groupes de pairs que par les groupes d’aspiration.
Dans tous les cas, le degré d'influence du groupe est déterminé fortement par le caractère public ou privé de la consommation. L’influence s'exerce en particulier ou tend à être élevée lorsque le produit est visible socialement. Elle sera d'autant plus importante que le produit a une signification sociale, donne lieu à une consommation ostentatoire ou de standing. Certains produits ou marques ont une valeur de signe importante, c'est-à-dire dont la consommation montre que l'on revendique l'appartenance à un groupe déterminé. Le degré d'influence est très élevé dans le cas de produits tels les vêtements, les montres, les meubles, les parfums, les voitures, les cafés et restaurants, les cigarettes, les destinations de vacances, etc. A l’inverse, il est faible ou quasi-nul dans le cas d'un produit consommé en privé (de consommation courante), tels le sucre, l'huile, les détergents...
« Une marque de montres de luxe présente dans ses campagnes publicitaires des sportifs de haut niveau comme exemples de personnes qui savent résister au stress, signalant ainsi subtilement le groupe de clients ciblé. En achetant la marque en question, le consommateur s'approprie, consciemment ou non, cette caractéristique ». (3) De fait, l'individu tend à accorder plus d'intérêt à la valeur symbolique du produit qu'à ses caractéristiques physiques. Le vêtement, au-delà du besoin de se protéger du froid, constitue un moyen de montrer son appartenance au groupe. C'est le symbole visible de ce que nous sommes ou désirons être, une réponse à un besoin d'identité et d'appartenance.
La mode est un outil de valorisation de l’individu. Elle est en même temps un moyen de communication et un moyen d'adhésion (ou de rébellion) à un groupe d'individus. « Même quand ils sont dans la purée, ils rêvent de vivre dans le gratin » (4). Un constat que ne dément pas l'évolution du marché des glaces, notamment à Casablanca. Il n’est que de voir l'insolente réussite de Häagen-Dazs et de ses glaces de luxe, riches en crème fraîche.
Pour séduire la cible, le discours publicitaire est axé sur la « réalisation de l'être ». On se rappelle du message publicitaire de Mitsubishi : « si vous voulez faire partie de l'élite gagnante, prenez le volant d'une Lancer ». De même, celui de Ford : « Le plaisir pour vous, le regard pour les autres ! ». On retrouve la même idée dans le slogan des montres et lunettes de soleil Ego : « Des montres qui se voient, des lunettes qui se montrent ». La cible des 15-24 ans est particulièrement exposée aux achats d'impulsion. Par souci de plaisir (motivation hédoniste) et de statut, elle privilégie les marques emblématiques à fort capital d'image. Nike, Adidas, Coca-Cola, Eastpak, Benetton, Mc Donald's, Mercuriale, Diesel, ou Levi’s sont des marques désormais riches de sens.

Ces brèves considérations montrent que le consommateur, loin d’être un individu isolé, vit en interaction quasi-continue avec d'autres individus. Il affiche publiquement un mode de vie conforme au groupe auquel il appartient ou souhaite appartenir, choisit les produits ou marques jugés acceptables par ce groupe.


Thami BOUHMOUCH
Juillet 2014
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(1) Richard Ladwein, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 110.
(2) W. H. White, cité par J. Lendrevie et D. Lindon, Mercator, Dalloz.
(3) B. Dubois et M. Vanhuele, Comportement du consommateur,  http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/
(4) Alain Schifres, Les Parisiens, éd. Lattes.


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